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 Y a-t-il des guerres justes ?

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Van Damme
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MessageSujet: Y a-t-il des guerres justes ?   Y a-t-il des guerres justes ? Icon_minitimeMar 8 Mai - 0:08

Vladimir Ilitch Oulianov dit Lénine, prônant déjà en 1905 la révolution bolchevique, déclarait que cette dernière était « de toutes les guerres la seule qui soit juste ». Distinguant le caractère légitime de l’intention de la violence du moyen, la possibilité qu’existe cette guerre juste apparaît dès lors problématique. En effet, le principe même de la mort individuelle au nom d’une communauté a une légitimité discutable. Y a-t-il seulement une rationalité des intentions et de la mise en œuvre de la guerre ? Comment déterminer la valeur morale des finalités d’un conflit ? Y a-t-il une justification du truchement de la violence par la finalité intentionnelle ?

La guerre, en tant que tension entre deux fins opposées apparaît dès l’abord comme une négation de la justice et de la légalité au sens où elle provoque des comportements humains qui s’y opposent.
D’un point de vue institutionnel pour commencer, la justice est l’expression d’un droit positif préétabli. Elle a cours par le biais de la magistrature qui détermine de manière culturelle les lois auxquelles il faut obéir et qui doivent être tenues pour universelles. S’appuyant nécessairement sur une forme de droit naturel, le droit positif rend de manière systématique le meurtre répréhensible. Or l’idée même de guerre arrive en contradiction avec cette loi fixée par la légalité et suppose sa transgression. Dans ce cas, c’est un problème éthique qui va déterminer le caractère juste de cette sursomption de la légalité. Il s’avère que Kant, dans la Critique de la raison pratique, fixe l’action morale comme une obéissance catégorique à la loi qui pour s’appeler loi doit tenir de maxime universelle. La guerre, en tant qu’impératif hypothétique transgressant la loi bouleverse le caractère moral et légal d’une telle action. Par conséquent, passer outre la loi sur le meurtre se fait nécessairement dans le domaine du particulier et n’obéit pas à l’universalité de la raison. La guerre ne peut dans ce cas avoir une dimension juste car elle est illégale, immorale et irrationnelle.
Plus encore, il semble absurde de faire une distinction entre différentes formes de guerre qui pourraient se révéler justes ou injustes. Toutes les guerres sont compréhensibles dans le seul concept de violence. Penser une guerre juste reviendrait à penser la guerre comme telle. Or l’idée de violence même suffit à démontrer l’injustice de la guerre du fait de sa contradiction avec l’organisation sociale qui est l’expression même de la justice. Rousseau dans le Jugement sur le projet de paix perpétuelle de l’Abbé de St Pierre montre que le concept d’union et de communication des peuples par polysynodie permet l’égalité sociale et évite le droit du plus fort. Le concept d’équilibre entre les communautés est juste car il évite l’excès et permet alors, en cas de faute, de trouver un juste milieu entre l’injure et la réparation. La guerre, par sa violence est toujours expression de la passion et donc de l’injustice.
De surcroît, cette violence est liée au problème de la mort et de la conception de la valeur de la vie humaine et particulièrement de celle d’autrui. C’est donc la notion de respect qui est en jeu. Si je considère autrui comme un autre moi-même, je dois logiquement et moralement calquer mon comportement vis-à-vis d’autrui sur celui que j’attends vis-à-vis de moi. Le meurtre que représente la guerre se fait négation de la vie humaine. En effet, mourir pour une idée ou une communauté suppose une conception métaphysique du monde, d’un au-delà de la mort qui aurait une existence ontologique. Cela semble paradoxal au regard de ce « rien » que décrit Epicure dans la Lettre à Ménécée. Pour lui, en effet, il n’y en a pas de conscience puisque la conscience est propre à la vie. Considérer que certaines guerres sont justes, c’est accorder foi à une imagination métaphysique d’une importance post mortem des idées. C’est l’expression même de l’irrationalité d’une croyance qui ne peut aller de pair avec la justice.

Mais on s’est abusé jusque là à réduire la justice au seul concept de légalité et la guerre à la violence. Il convient de redéfinir les termes.

Si la validité de la justice se base le plus souvent sur la légalité et le droit positif comme institutions universelles, le problème de leur légitimité ne doit pas être exclu. Si l’obéissance à la loi se veut inconditionnelle, la loi elle-même doit aussi l’être faute de quoi elle n’en est pas une. Or le droit positif est par essence relatif et culturel puisque non nécessairement conforme au droit naturel. Ainsi, si une guerre et plus particulièrement une guerre civile est ontologiquement illégale, elle peut être légitime et juste si elle se positionne contre l’injustice. C’est ainsi que Marx, dans le Manifeste du parti communiste justifie le « renversement violent de tout l’ordre social passé » que représente la révolution. Face à l’exploitation de l’homme par l’homme que représente le capitalisme en violant le droit naturel, la légitimité de la révolution se fait jour au sens où elle devient équilibrage juste par l’égalité sociale d’une situation d’aliénation injuste.
Dans ce cas, si la guerre devient un moyen d’humanisation, on ne peut plus l’assimiler à la violence que pourrait représenter une guerre injuste. La guerre juste est au contraire synonyme de force. Cette distinction apporte un éclairage certain permettant d’infirmer la thèse de l’unité conceptuelle de la guerre. On peut, de manière nominaliste, avancer que la guerre appartient toujours au domaine du particulier et ne peut être jugée dans l’universel. Ce relativisme est un moyen d’opposer une guerre juste c’est-à-dire forte à un laxisme qui serait injuste. La force réside dans la mesure et se veut plus souvent dissuasive qu’appliquée. Pourtant, elle est à même d’agir pour équilibrer une injustice par le biais d’une guerre nécessaire voire salutaire. En 1938, pour éviter la guerre et par laxisme, la France et le Royaume-Uni signent avec Hitler les Accords de Munich mais n’empêchent ni la Seconde Guerre Mondiale, ni l’invasion nazie. La guerre juste est peut-être l’expression de l’Esprit Universel que présente Hegel dans La Raison dans l’Histoire et qui par l’artifice d’un désordre apparent et ponctuel se met en réalité au service de la raison. De fait, la justice est bien présente dans ces formes de guerre, elle n’est que dissimulée derrière le brusque rééquilibrage rationnel de l’Histoire que mènent les grands hommes.
Alors, si le moyen que représente la guerre de parvenir à accomplir une finalité rationnelle n’est qu’une façade, le truchement relève lui aussi d’un caractère juste. Si la force ou le non-respect de la vie d’autrui sont utilisés pour plus de justice, ils semblent être légitimes. C’est au fond tout le sens de la politique de Machiavel qui montre que la fin justifie tous les moyens. En effet, dans Le Prince, il expose les règles élémentaires nécessaires à la direction d’un Etat autoritaire qui passe également par des phases de guerre nécessaires avec les pays voisins. Cette volonté forte d’inspirer la crainte permet la mise en place d’un régime politique stable et le maintien le plus longtemps possible du chef d’Etat à sa tête. Pourtant cette phase étatique autoritaire n’a pas pour finalité la guerre elle-même mais bien la possibilité d’instaurer une république où les citoyens vivent heureux tel qu’on le découvre dans le Discours sur la première décade de Tite-Live. La guerre juste est donc ponctuelle et brève, elle est un moyen d’arriver à sa propre négation.

Pourtant le caractère rationnel de certaines guerres et la toute-puissance des finalités sont illusoires. Quelle que soit la fin qui lui est assignée, la guerre se meut toujours dans le pathos.

Une nouvelle confusion concernant la justice se doit d’être éclaircie car il s’agit de la distinguer de la vengeance, infinie et irrationnelle. La vengeance n’est pas un équilibrage mais une inversion du déséquilibre. C’est pourquoi elle relève de la passion et de l’animalité et c’est bien le cas de la guerre. Il semble aberrant de taxer un meurtre de rationnel car il est toujours le fruit d’une pulsion individualiste propre à la nature humaine. C’est ce qu’explique Hobbes dans Léviathan quand il affirme que « l’homme est un loup pour l’homme ». Décrivant l’état de nature comme pénurique, la situation en présence est celle d’une « bellum omnium contra omnes » qui s’opère dans un but de survie et qui tend à se résorber par une organisation sociale au sein d’un régime ultra sécuritaire. Toute guerre n’est donc que la conséquence d’un besoin inassouvi de la part d’un peuple ou d’un individu. En tant que contraire de la rationalisation que met en place la société, elle n’a proprement aucun lien avec la justice.
Quant aux finalités, moteurs tant justifiables des guerres rationnelles, elles se perdent finalement dans un brouillage moral extrêmement obscur. Si le caractère juste d’une guerre est déterminé par la légitimité des intentions qu’elle poursuit, comment déterminer la valeur de ces dernières ? Kant rencontre le même problème dans la Critique de la raison pratique lorsqu’il cherche à distinguer l’acte catégorique exécuté par devoir et l’hypothétique qui n’y est que conforme. A vrai dire la pureté d’une intention est impossible à déterminer car elle relève du flux de conscience indécelable par un autre que moi-même et donc imperceptible en soi. Dès lors, toutes les intentions ont la même valeur et aucune ne peut être logiquement plus juste qu’une autre. La comparaison entre des formes de guerre ne peut donc se faire sur le plan de la légitimité.

Reste à penser la contradiction même qui reviendrait à entraîner la justice sans être juste soi-même et qui est peut-être le fond du problème. L’aval d’une légitimité de la fin sur l’illégalité du moyen entraîne ce paradoxe qui fait qu’il ne peut y avoir de guerre juste, mais simplement que l’Etat juste soit la conséquence de la guerre injuste. C’est là toute l’aporie que rencontre Camus dans L’homme révolté, qui voudrait penser une révolte sans meurtre.
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