Baruch Spinoza, philosophe hollandais du XVIIe siècle est un héritier critique du cartésianisme. J'aborderai ici trois grandes lignes de sa pensée : sa théorie de la connaissance, sa métaphysique et son idée théologico-politique.
1. La connaissance chez Spinoza
Il faut d'abord savoir que la philosophie de Spinoza est entièrement déductive, c'est-à-dire qu'elle se fait more geometrico. Il place, notamment dans le Tractatus de intellectus amendatione (Traité de l'amendement de l'intellect), différents degrés dans la connaissance, liés à des formes de la perception.
A. Les quatre formes de la perception
Il est vrai qu'on en trouve trois dans l'Ethica Ordine Geometrico Demonstrata (Ethique démontrée selon la méthode géométrique), mais il ne s'agit que d'un regroupement des deux premières formes de perception.
Je vais (à l'exception de la première) vous les expliquer à l'aide d'un exemple tiré des cours de Gilles Deleuze sur Spinoza.
- La première forme de perception est la plus incertaine, il s'agit d'une perception qui ne vient à nous qu'indirectement, par ouï-dire et qui relève d'une croyance. Par exemple, je connais ma date de naissance mais ne peux la vérifier par mes sens.
- La seconde forme de perception est la perception empirique et se juge directement par le message que me transmet mes sens. Par exemple, si je suis dans l'eau, mon corps subit les vagues et m'offre des sensations.
- La troisième forme de perception est à la fois empirique et rationnelle. Il suppose qu'à partir de mes sens je parvienne à maîtriser mon environnement. Si je suis dans l'eau, je sais nager et composer avec l'eau.
- La quatrième forme de perception est entièrement rationnelle. Elle suppose la connaissance des essences et des principes qui régissent les phénomènes. Je ne sais pas seulement nager, je connais la composition moléculaire de l'eau, je sais que mon corps dans l'eau est régi par le principe d'Archimède, etc.
B. La vérité
La vérité est la marque d'elle-même, c'est-à-dire qu'elle n'est ni un objet extérieur, ni une correspondance à la définition classique adaequatio rei intellectus. Spinoza est un rationaliste, il suppose donc l'idée d'une raison éternelle des choses et qu'à l'ordre subjectif de notre pensée, répond un ordre objectif naturel. La vérité est donc le fruit ontologique de la raison et de la logique rigoureuse.
2. La métaphysique chez Spinoza
A. La substance
Selon Spinoza, le monde entier n'est que substance. Cette substance est non seulement unique mais aussi cause d'elle-même (causa sui). Elle est connaissable en vertu du principe de causalité et de raison universelle. Il y a donc une négation du dualisme cartésien puisque tous les phénomènes sont attributs de la substance et non extérieurs à elle. Spinoza va très loin en mettant Dieu comme part intégrante de la substance. Il assimile Dieu à la nature (Deus sive natura) et refuse la transcendance divine. Dieu devient la cause immanente de tout ce qui existe, il est la natura naturans alors que les phénomènes sont la natura naturata, la nature créée par la nature.
B. Le conatus
Le conatus est l'effort que fait chaque être pour persévérer dans son existence et affirmer sa puissance. Spinoza place le conatus en base de la vie éthique qui revient à exploiter au mieux les ressources de son être. La vie affirme un désir primordial de vivre qui se voit modifié par la relation entretenue avec les autres êtres. Le conatus perd sa puissance quand il est en face d'un cadre social dans lequel il doit s'affirmer dans des modèles qui ne lui correspondent pas.
3. La théorie théologico-politique chez Spinoza
A. Les problèmes posés par la religion
Spinoza, élevé dans une famille juive, sera rejeté par sa communauté et accusé d'athéisme parce qu'il critiquera la façon d'aborder la religion à son époque. Pour lui, il ne s'agit pas d'interpréter la Bible mais bien de la lire. Il est convaincu que Dieu et Sa parole ne peuvent aller à l'encontre de la raison. Dans le Tractatus Theologicopoliticus (Traité théologico-politique), il déclare "Dieu, cet asile d'ignorance" pour montrer les méfaits de la religion quand elle est utilisée à des fins de manipulation politique. Comme Thomas Hobbes, il considère que la religion doit être soumise aux lois communes et ne doit s'occuper que du sort des âmes et de la morale.
B. La théorie politique de la liberté
Spinoza est un penseur de la démocratie. Il pense que le cadre des lois doit reconnaître la liberté de pensée et d'opinion des individus. Si cette liberté est protégée par l'Etat (à l'exception de ce qui incite à la haine), alors elle ne pourra nuire à l'Etat en question. Selon lui, l'Etat ne peut contrôler ni les paroles, ni les pensées qui constituent un droit naturel de l'homme.